Internet et contenus illicites, suite…

Assemblée Nationale

Par Sylvie BERNARD-FALAISE | Publié le 26 mai 2019
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Un nouveau besoin de légiférer sur les contenus d’Internet s’est fait jour le 20 mars 2019. A l’origine de cette proposition de loi, la députée LREM Laetitia AVIA. Mais pourquoi ce texte et que contient-il ?

Pourquoi ce texte ?

En cette période troublée, rejaillit encore plus le phénomène des insultes et injures sur le web : la récente affaire de « La Ligue du LOL » est un des exemples flagrants, ces derniers mois, de l’impunité longtemps offerte à la diffusion à grande échelle de propos haineux sur Internet.

L’utilisation désormais quotidienne, constante, voire effrénée des réseaux sociaux et autres hébergeurs de contenus a poussé la députée à proposer que ce qui n’est pas toléré dans l’espace public ne le soit pas plus sur Internet.

Que contient ce texte ?

8 articles destinés à « toiletter » la loi du 21 juin 2004 pour La Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN).

L’article 1 prévoit un nouveau régime de responsabilité pour certaines infractions et certains acteurs.

Les infractions qui y sont expressément visées sont celles de la provocation à la haine ou violence à l’égard d’une personne ou groupe de personnes en raison de la race, de la religion, de l’ethnie, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap, faisant référence aux alinéas 5 et 6 de l’article 24, et aux alinéas 3 et 4 de l’article 33 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Les acteurs concernés par ce nouveau régime de responsabilité sont bien connus de tous les internautes : il s’agit des opérateurs de plateformes en ligne dépassant un certain nombre de connexions sur le territoire français (il est question de 2 millions par mois). S’il paraît évident que sont ainsi visées des plateformes comme YouTube, Facebook, Twitter et Dailymotion, ne faut-il pas réfléchir très sérieusement au seuil qui sera fixé pour ne pas « laisser de côté » des sites, certes moins populaires, mais tout aussi haineux dans les propos qu’ils relaient ?

Ces opérateurs devront, dans les 24 heures, supprimer les messages dénoncés. On peut penser qu’il s’agit là d’une énorme avancée, mais en fait, actuellement le délai raisonnable prévu par les juges est déjà de 24 heures à compter de la connaissance du contenu illicite par la plateforme. Alors quel est l’intérêt de la mesure ? Ne plus avoir à saisir le juge et devoir prouver la saisine de l’auteur du propos illicite avant de se retourner vers l’hébergeur.

Le CSA voit son rôle renforcé en matière de contrôle et de régulation sur Internet et pourra prononcer des sanctions pécuniaires pouvant atteindre 4% du chiffre d’affaires mondial. Bonne idée, mais quid de la mise en application face à des géants comme ceux cités plus haut ? Pour contourner cet écueil, l’article 5 prévoit la désignation d’un représentant légal sur le territoire français.

L’article 2 modifie les dispositions de l’article 6.I-5 de la LCEN. Il allège considérablement le formalisme des procédures de notification des contenus illicites. Il prévoit également la mise en place d’un « bouton unique de signalement commun » à tous les opérateurs qui devront accuser réception sans délai desdites notifications et répondre sous un délai maximum de 7 jours des suites données à la demande.

Les articles 3 et 4 traitent de l’information des victimes de contenus sur les dispositifs de recours qui leur sont offerts. Ils évoquent l’obligation de publication de rapports rendant compte des actions et moyens mis en œuvre par les plateformes.

L’article 6 vise, quant à lui les « sites miroirs » qui surgissent après le blocage du site initial en donnant à une autorité administrative la possibilité d’injonction aux FAI et à tout autre fournisseur de bloquer la réplique d’un site, sans attendre une seconde décision du juge.

Cette proposition de loi semble véritablement simplifier la dénonciation de contenus illicites, mais pose d’autres questions : quels types de messages qualifier de « manifestement » haineux ou injurieux ? Où est le curseur entre le propos manifestement illicite et le simple défoulement pas très intelligent ? Qui assurera la surveillance du trafic, des humains ou des IA ? Quels sont les moyens dont dispose l’Etat Français pour mettre en œuvre ces dispositions face aux « géants du Net » ? Quelle objectivité en matière d’appréciation du caractère litigieux des « sites-miroirs » ? Quelle autorité administrative sera compétente pour enjoindre le blocage d’un tel site ?

Nul doute que la majorité de ces questions trouvera réponse lors des débats parlementaires à venir.

Auteur de l’article : Sylvie BERNARD-FALAISE

Responsable Centre de Formalités des Entreprises et de l'Apprentissage à la Chambre de Métiers et de l'Artisanat d'Indre et Loire

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