Le mandat de protection future : son bon usage en droit des sociétés

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Par la Rédaction | Publié le 8 décembre 2012
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Issu de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, le mandat de protection future se révèle être un nouvel instrument de gestion précieux au service du dirigeant d’entreprise actionnaire souhaitant sécuriser le fonctionnement de sa société, s’il était dans l’impossibilité momentanée ou permanente d’assurer ses fonctions.

La loi prévoit la possibilité pour toute personne, en prévision d’une altération future de ses capacités mentales ou corporelles, de désigner à l’avance un mandataire chargé de la représenter, donnant ainsi un caractère subsidiaire au régime légal de protection. Le mandat de protection future a vocation à s’appliquer du vivant du dirigeant d’entreprise, à la différence du mandat à effet posthume qui peut être mis en œuvre suite au décès du mandant. Le mandat de protection future trouve une application particulière et bienvenue en droit des sociétés. Le dirigeant en exercice peut ainsi organiser les conséquences d’un accident qui pourrait le priver de ses capacités.
Objet
Le mandataire est chargé de gérer tout ou partie des intérêts patrimoniaux et personnels du dirigeant actionnaire le jour où celui-ci ne pourrait plus pourvoir seul à la gestion de ses intérêts. Il ne se déclenche que lorsque l’état de santé du mandataire le rend nécessaire. En matière de droit des sociétés, il porte sur la gestion des actifs professionnels, généralement mobiliers (titres), et peut équivaloir à une procuration générale pour prendre des décisions en Assemblée.
Une utilisation très souple…
Le mandat de protection future prendra la forme d’un contrat entre le dirigeant actionnaire et le(s) mandataire(s). Le mandataire peut être toute personne physique choisie par le mandant ou une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Le choix du mandataire est primordial, et parfois malaisé pour le dirigeant actionnaire qui dispose d’une grande liberté de nomination. Ce mandat pourra être donné à un autre associé en lequel celui-ci a confiance, ou encore à son conjoint, un membre de la famille ou un proche, ceux-ci pouvant être assistés par des professionnels (expert-comptable, avocat…). Aucune exigence de publicité légale n’est imposée. Il faudra toutefois veiller à ce que le mandataire informe la société de l’existence du mandat de protection future, afin qu’il lui soit opposable. En effet, le mandant conservera sa capacité juridique et il serait à même d’accomplir tous les actes sur ses titres, y compris sur ceux dont la gestion est confiée au mandataire.
En outre, avant sa mise en œuvre, le mandat est librement modifiable et révocable à tout moment par le mandant, et le mandataire peut y renoncer.
En fonction de ses objectifs, le mandat aura une étendue plus ou moins importante, selon les souhaits du dirigeant actionnaire. Si le mandant souhaite que le mandataire puisse effectuer des actes de disposition, tels que la vente des titres, un acte passé en la forme authentique sera nécessaire ou, à défaut, une autorisation du juge des tutelles. Cependant, pour les actes d’administration courants, un acte sous seing privé sera suffisant, celui-ci prenant la forme soit d’un modèle publié par décret, soit d’un acte d’avocat, qui sera enregistré auprès de la recette des impôts compétente afin de lui donner date certaine. Le mandant peut organiser avec minutie le rôle du mandataire, en lui laissant une grande liberté ou au contraire en lui interdisant la passation de certains actes, même avec l’accord du juge des tutelles. Le droit de vote aux Assemblées pourra être exercé par le mandataire dès lors que son mandat le lui permet, même s’il ne répond pas aux critères du droit des sociétés, comme celui par exemple d’être agréé comme associé. Il faut noter que le mandat de protection future n’est pas une solution pour la gouvernance de l’entreprise, et ne peut pas emporter directement le remplacement du dirigeant par son mandataire de protection future. En effet, si le dirigeant est frappé d’incapacité, son mandat social tombe et il sera procédé à une nouvelle nomination selon les règles fixées par la loi, les statuts, ou toute autre convention. Le mandataire de protection future pourra donc participer à la nomination d’un nouveau dirigeant.
…et néanmoins contrôlée
Le mandataire ne dispose pas de toute latitude pour exercer sa mission, et des contrôles sont organisés afin de protéger le patrimoine du mandant et l’entreprise elle-même, tant au stade de la mise en œuvre que durant l’exercice du mandat. Le mandataire devra se présenter en personne au greffe du tribunal d’instance, et le greffier vérifiera que toutes les conditions de mise en œuvre du mandat sont effectivement remplies, en particulier que l’altération de la santé physique ou mentale du mandant a été constatée par un médecin inscrit sur une liste établie par le Procureur de la République. La forme du contrôle sera différente selon l’importance économique ou stratégique de la société. Le mandataire devra effectuer chaque année un inventaire des biens qu’il gère et dresser un compte de gestion qu’il tiendra à disposition du Juge des Tutelles et du procureur de la République si le mandat est conclu sous seing privé. Des modalités de contrôle plus précises peuvent être indiquées dans l’acte.
La fin de la mesure de protection future est également organisée par la loi. Elle intervient par le décès du dirigeant, par révocation du mandat par le juge ou si le dirigeant retrouve ses pleines capacités mentales ou corporelles. Dans ce cas, il pourra se présenter à tout moment au greffe du tribunal d’instance pour faire constater son rétablissement. Tout intéressé pourra saisir le juge des tutelles en cas de contestation de la mise en œuvre ou des conditions d’exécution du mandat, et le juge pourra, à cette occasion, mettre fin au mandat.
Par sa souplesse d’utilisation, son caractère peu coûteux et librement révocable, le mandat de protection future devrait susciter un réel intérêt de la part des dirigeants d’entreprise actionnaires qui, à ce jour, n’en n’ont pas encore découvert toutes les vertus. Il est un bon moyen d’assurer la pérennité de l’entreprise contre la fragilité de son dirigeant actionnaire.Irène BOURNAY et Jean-Pierre GITENAY – Avocats Associés – Département Corporate, Fusions-Acquisitions de LAMY LEXEL

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Auteur de l’article : la Rédaction

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