Conflit des mandats d’arrêt européens

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Par la Rédaction | Publié le 1 octobre 2012
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Demandes de remises concurrentes : L’arrêt  rendu par la chambre criminelle le 24 août 2012 (n° de pourvoi: 12-85244, publié au Bulletin).

Le présent arrêt comporte des précisions importantes quant au pouvoir de la chambre de l’instruction en cas de demandes de remises concurrentes à l’encontre de la même personne.

Les faits peuvent être résumés comme suit : deux mandats d’arrêt européens ont été diffusés à l’encontre de M. X…, le premier, le 12 avril 2012, par les autorités judiciaires italiennes, le second, le 24 mai 2012, par les autorités judiciaires allemandes. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar, en date du 19 juillet 2012, a autorisé sa remise aux autorités judiciaires italiennes sous réserve qu’il soit remis aux autorités judiciaires allemandes lorsque sa présence sur le sol italien ne sera plus nécessaire. Saisie d’un pourvoi contre l’arrêt d’appel, la cour de cassation allait censurer cette décision en affirmant que « la chambre de l’instruction peut uniquement choisir celui des mandats à exécuter ».

Cette affirmation laconique se décompose en réalité en deux propositions. La cour affirme clairement le principe de la liberté de la chambre de l’instruction dans son choix (I) elle en précise par là même les limites (II).

I.- La question de conflit entre plusieurs mandats d’arrêt européens émis à l’encontre de la même personne, que ce soit pour le même fait ou pour des faits différents est tranchée par l’article  695-42 al.1 du code de procédure pénale. Cette disposition  confère à la chambre de l’instruction le monopole de choisir le mandat à exécuter. Mais cet article prévoit certains éléments dont la chambre doit tenir compte, à savoir,  « de toutes les circonstances et notamment du degré de gravité et du lieu de commission des infractions, des dates respectives des mandats d’arrêt européens, ainsi que du fait que le mandat d’arrêt a été émis pour la poursuite ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté ». La liste est loin d’être exhaustive et ces éléments ne sont pas hiérarchisés laissant ainsi  un pouvoir d’appréciation à la chambre de l’instruction, qui n’est pas obligée  de motiver son choix de tel ou tel élément. Cette liberté est généralement respectée par la chambre criminelle comme en l’espèce qui n’exige aucune motivation spéciale de ce choix.

La chambre criminelle est allée encore plus loin dans cette voie en considérant dans un autre arrêt, également publié,  que « l’omission par la chambre de l’instruction de procéder au choix du mandat d’arrêt européen à exécuter, qui lui incombe en vertu de l’article 695-42 du code de procédure pénale, relève du contentieux de l’exécution prévu aux articles 710 et 711 du code de procédure pénale »  (24 janvier 2012 N° de pourvoi: 11-89177 Bulletin criminel 2012, n° 21).
Cela signifie que la chambre criminelle considère cette omission comme un simple incident d’exécution, permettant   ainsi à  la chambre de l’instruction de demeurer compétente  pour désigner le mandat à exécuter.

II.- Toutefois, lorsque ce choix est opéré, le pouvoir de la chambre de l’instruction s’arrête là, comme le suggère l’adverbe « uniquement » utilisé dans l’attendu de la chambre criminelle et qui motive la censure de l’arrêt d’appel. Ainsi, la chambre de l’instruction ne peut  ni statuer sur la remise de la personne postérieurement à l’autorité de l’Etat dont la demande n’a pas été satisfaite, ni décider de la remise temporaire à cet Etat de la personne recherchée. Mais cette interdiction connaît une exception qui est prévue par l’article 695-39 du code de procédure pénale  qui concerne, cette fois, le conflit entre un mandat d’arrêt européen et des poursuites engagées  ou une condamnation prononcée en France contre la personne recherchée pour un autre fait que celui visé par le mandat. Dans cette situation, la chambre de l’instruction peut, après avoir statué sur l’exécution du mandat, soit différer la remise de l’intéressé soit décider la remise temporaire de celui-ci à l’état d’émission.

Là, également, la chambre de l’instruction dispose d’un pouvoir d’appréciation, reconnu par la chambre criminelle qui considère comme inopérant le grief qui met en cause ce pouvoir d’appréciation des juges de fond qui « n’ont pas à rendre compte de l’usage de la faculté offerte par l’article 695-39 du Code de procédure pénale » (19 avril 2005, n° de pourvoi: 05-81692. Dans le même sens : 20 mars 2007  – n° de pourvoi: 07-81127). Il en résulte que la remise temporaire est prévue en cas de conflit entre une demande de remise et une compétence effective de la loi française, constatée par une condamnation ou des poursuites engagées en France. C’est, en définitive, la combinaison de ces deux dispositions (art. 695-39 et 695-42, C.P.P.) qui est reprochée par la chambre criminelle à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar, laquelle après avoir  ordonné la remise de l’intéressé à l’autorité judiciaire italienne « ajoute (…) que cette remise sera exécutée prioritairement à celle ordonnée au titre du mandat d’arrêt européen émis par l’autorité judiciaire allemande, sous réserve que M. X… soit remis à celle-ci lorsque sa présence sur le sol italien ne sera plus nécessaire ». La solution de la chambre criminelle est d’autant plus remarquable, que l’application combinée des articles, faite par la chambre de l’instruction méconnaît la dualité fonctionnelle de ces deux textes et, ce faisant, confond les domaines respectifs de cas différents.

Car, tandis que l’article 695-39 implique préalablement qu’un fait commis relève de la compétence de la loi pénale française et que la remise, qui ne peut être que temporaire, doit l’être nécessairement pour un fait diffèrent (comme l’a précisé la chambre criminelle dans un arrêt du 20 juin 2012 – N° de pourvoi: 12-83609), l’article 695-42, quant à lui, prévoit une simple option entre plusieurs mandats pour le même fait ou des faits différents, en dehors de toute compétence des juridictions françaises. S’agissant de deux hypothèses différentes, cette différenciation doit, en toute logique, engendrer la dualité de régime juridique.

Magdy Habchy
Maître de Conférences à la Faculté de Droit et Science Politique de Reims
Habilité à diriger des recherches

 

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Auteur de l’article : la Rédaction

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