Le licenciement pour motif économique décidé et prononcé par l’un des co-employeurs mettant fin au contrat de travail, chacun d’eux doit en supporter les conséquences, notamment au regard de l’obligation de reclassement.
La société M., filiale de la société R., exploitait une unité de production et de commercialisation de métaux non ferreux. Envisageant de reconvertir cette unité dans le recyclage des métaux non ferreux, la société M. a préparé, en 2001 et 2002, un projet de restructuration de l’entreprise et de plan de sauvegarde de l’emploi. Une procédure de redressement judiciaire ayant été ouverte à l’égard de la société M., ensuite convertie en liquidation judiciaire, les liquidateurs judiciaires ont licencié tous les salariés, pour motif économique.
Les salariés licenciés ont engagé des procédures prud’homales contre les sociétés M. et R., pour obtenir réparation d’un préjudice lié à la perte d’une chance de conserver leur emploi et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de la société R. et un plan de redressement arrêté deux ans plus tard.
Le 17 décembre 2010, la cour d’appel de Douai a retenu la qualité de co-employeur de la société R. et l’a condamnée au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les juges du fond ont constaté qu’au-delà de la communauté d’intérêts et d’activités résultant de l’appartenance à un même groupe, qui se manifestait par la décision de restructuration de la filiale prise au niveau de la direction de la société mère, par l’existence de dirigeants communs et par la tenue de la trésorerie de sa filiale par la société M., laquelle assurait également le recrutement des cadres de la société M. Nord et la gestion de leur carrière, la société mère s’était directement chargée de négocier un moratoire à la place et pour le compte de sa filiale. Ils ont relevé que les cadres dirigeants de la société M. Nord, recrutés par la société mère, étaient placés sous la dépendance hiérarchique directe d’un dirigeant de cette dernière, à laquelle ils devaient rendre compte régulièrement de leur gestion, y compris pour l’engagement de dépenses courantes. De plus, la société M. décidait unilatéralement de l’attribution de primes aux cadres de direction de sa filiale.
Ils en ont déduit qu’il existait une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre les deux sociétés, qui se manifestait notamment par une immixtion directe dans la gestion du personnel de la filiale, et qu’en conséquence la société M. était co-employeur du personnel de sa filiale, sans qu’il soit nécessaire de constater l’existence d’un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la société M. Nord à l’égard de la société mère.
Par ailleurs, ayant constaté qu’aucune recherche de reclassement n’avait été effectuée dans l’ensemble du groupe avant la notification des licenciements, sans qu’il soit justifié d’une impossibilité, la cour d’appel en a exactement que chacun des co-employeurs devait indemniser les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse, peu important que la qualité de co-employeur n’ait été reconnue qu’après les licenciements, dès lors que cette situation existait au moment de leur mise en œuvre.
La Cour de cassation approuve l’arrêt le 12 septembre 2012. Elle rappelle que « le licenciement pour motif économique décidé et prononcé par l’un des co-employeurs mettant fin au contrat de travail, chacun d’eux doit en supporter les conséquences, notamment au regard de l’obligation de reclassement ».
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