Le ministère du Travail, en ne prenant en considération que la seule situation de l’entreprise demanderesse, et non la situation économique de l’ensemble des sociétés du groupe, a commis une erreur d’appréciation de la réalité du motif économique.
M. M., salarié protégé de la société Continental France depuis 1988, ayant fait l’objet d’une procédure de licenciement économique, autorisé par une décision du ministère du Travail du 5 octobre 2010, a saisi la justice administrative afin de voir annuler cette décision.
Dans un jugement du 14 février 2013, le tribunal administratif d’Amiens fait droit à sa demande.Il retient que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l’appui d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé présentée par une société sui fait partie d’un groupe, l’autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l’entreprise demanderesse, mais est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l’ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d’activité que la société en cause, sans qu’il y ait lieu de limiter cet examen à celles d’entre elles ayant leur siège sociale ou leurs établissements, en France et en Europe.Au surplus, s’il n’appartient pas à l’administration saisie d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, pour motif économique, de vérifier le bien-fondé des options de gestion décidées par l’entreprise dans le cadre de sa réorganisation, elle est toutefois tenue, de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la réalité objective de la menace qui pèse sur la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.En l’espèce, la société Continental évoque « une chute brutale et inattendue de la demande en pneus depuis la fin du premier trimestre 2008 », « une baisse de 55 % du résultat d’exploitation, soit une perte nette de 1,65 milliards d’euros » du groupe en 2009, « une surcapacité de production de 21 millions de pneus en Europe, et 30 millions sur l’ensemble de la division, à la clôture de l’exercice 2009 », et l’insuffisance des premières mesures de réduction de coûts en 2009. Le tribunal juge que la division PLT à laquelle appartient Continental France « a enregistré une croissance soutenue et continue de son activité depuis le début des années 2000 », que si la rentabilité de la division a baissé de 738 à 626 millions de 2007 à 2008, la marge opérationnelle sur le chiffre d’affaires s’élevait toujours à 18,6 % en 2006 et 17,1 % en 2008, que « la baisse de la demande enregistrée en 2008 et en Europe seulement n’a eu qu’un impact limité sur les résultats de la division », et que la baisse de la demande invoquée par Continental, qui dénoterait une surcapacité, n’a été alléguée que sur la base de prévisions effectuées par l’entreprise elle-même ».Le tribunal juge qu’à la date de la décision attaquée, le licenciement de M. M., dont l’autorisation était sollicitée, ne pouvait être regardée comme étant justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de Continental France d’une menace réelle et durable. Le ministère du Travail a donc commis une erreur d’appréciation de la réalité du motif économique invoqué par la société, entrainant l’annulation de l’autorisation de licenciement.
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